Home sweet home... -La maison d'Akiyo.

Akiyo habite une maison dans le quartier central d'Ea. C'est une bâtisse aux formes douces, aux murs de couleurs claires. Elle est spacieuse sans être trop vaste, et se compose de deux parties principales. Un endroit « à vivre », de style plutôt occidental, et une autre partie, meublée à la japonaise, et qui comporte des pièces où la shinobi vient méditer, essayer de nouvelles techniques ou s'entraîner.

Le jardin qui l'entoure est resté dans un état semi-sauvage, que ne parviennent pas à atténuer les rangées de cerisiers qui le parsèment. Akiyo l'a laissé quasiment à l'abandon, au point que celui-ci est devenu une réplique en miniature de la Forêt de la Mort, les grillages en moins (il n'y a même pas de mur de protection autour de la maison ; elle n'en voit pas l'utilité). Cela convient bien à la jeune fille, qui de toutes façons a d'autres choses à faire que du jardinage.

Un immense arbre a poussé derière la maison, de sorte qu'il semble sortir du bois. Sa hauteur offre à qui ose y monter une vue plongeante sur le village entier, et c'est le poste d'observation préféré d'Akiyo.

Si la maison en elle-même n'a rien de particulier, on raconte qu'elle a été construite sur l'emplacement d'une vieille crypte, et ses souterrains n'ont pas encore livré tout leur mystère...

Si vous cherchez Akiyo, sa maison est l'endroit où vous êtes le plus sûr de la trouver; bien qu'elle n'y soie que rarement. En effet, la jeune shinobi délaisse souvent la paix du foyer pour des lieux plus mouvementés...

Akiyo contemplait pensivement le ciel nocturne, piqueté d'étoiles. A présent qu'elle était loin de l'atmospère de fête de la salle d'entraînement d'Iwa lui tombaient sur les épaules comme une chape de plomb tous les sentiments auxquels elle avait cru échapper. Elle connaissait bien cette impression, l'illusion que le monde ne pourrait jamais changer, même si tous le voulaient. L'impression typique des retours de fête. Percluse de fatigue, elle tâtonnait dans le noir pour parvenir à ouvrir sa porte. Même si elle mourait littéralement d'envie de s'allonger un instant et de sombrer dans un sommeil profond, il lui restait encore des choses à faire.

Elle entra et jeta à la va-vite ses affaires sur la table. Ses fines sandales furent balancées sans ménagement à travers le salon, et, pieds nus, elle alla allumer la lampe.

Son regard tomba alors sur le paquet que lui avait offert Akura, et qui n'avait pas encore été ouvert. Elle le prit entre ses mains, et alla se peletonner dans un fauteuil, pour l'étudier tout à loisir.

«Alors... connaissant Akura, j'imagine que c'est une arme. »

Akiyo palpait le paquet, tâchant d'en découvrir le contenu, mais sans succès. L'objet en question avait dû être soigneusement emballé. N'y tenant plus, elle déchira sauvagement le papier brillant.

Et resta sans voix.

La lumière vacillante de la lampe jeta un éclat mortel sur la lame. Sur les trois lames.

« Wow.... »

Akiyo, avec un respect presque religieux, tira lentement les deux armes de leur gangue de papier et de mousse. Akura s'était surpassée. Son cadeau était une véritable oeuvre d'art.
Deux gants, qu'elle enfila aussitôt. Ils semblaient avoir été taillés pour elle. Leur tissu d'un noir luisant, d'une douceur incomparable, paraissait filé à partir d'un morceau de néant. Sur chaque gant étaient fixées tois lames, fondues dans un argent étincelant, les plus longues et les plus fines qu'Akiyo eut jamais vues. Elle les examina avec soin.

Des nervures formant des motifs compliqués en creusaient la surface. Si cette surface était lisse et brillante, les pointes en étaient une toute autre affaire. Akiyo eut un frisson nerveux en les voyant. Elles étaient si acérées, si précises... On avait l'impression qu'à leur contact l'air lui-même était tranché.

Akiyo ôta les armes de pugilat et alla les déposer sur une table basse. Elles était décidément magnifiques. Leur beauté n'avait à envier qu'à leur redoutable efficacité. Dorénavant, Akiyo aurait ses griffes.

Mais une telle arme ne pouvait être utilisée dans des cas sans importance. Elle les laissa donc sur la table et ce fut les mains vides, et après avoir soigneusement verrouillé la porte, qu'elle partit à son entraînement.

Akura avait été tentée de retourner dans sa maison, mais d'une certaine manière, elle préférait parler avec Akiyo. Kara, rendue aphone par le regard d'Eichiro, la laissait temporairement en paix. Akura ne s'était jamais sentie aussi triste... et libre. Elle adorait cette impression qu'elle pouvait tout faire sans que Kara ne la fasse agir contre son gré...

Elle porta la main à ses joues brûlantes en maugréant... elle devenait visible à trois kilomètres à la ronde, avec un visage aussi rouge... et ça la dérangeait, en plus... quoique... en fait, cette sensation de douce chaleur n'était pas si désagréable...

Elle arriva devant la maison, et frappa à la porte. Trois coups. Un instant elle fut tentée de repartir en arrière, mais... non. Elle avait des principes.

Akiyo était assise à son bureau, plongée dans un texte long et obscur. Elle essayait, jusque-là sans succès, de déchiffrer la rune qu'elle avait trouvée dans la crypte sous sa cave. Elle sentait sa patience décliner peu à peu, et allait bientôt passer à quelque chose d'autre lorsqu'elle entendit frapper à sa porte. Elle compta trois coups. Qui cela pouvait-il bien-être, à une heure si tardive? Elle jeta un coup d'oeil pensif au ciel qui se teintait de rouge, à l'ouest -son bureau était ouvert sur l'extérieur, ce qui était bien plus agréable pour travailler- et alla ouvrir, sans songer à reposer le grimoire.

Akura se tenait sur le seuil. En voyant le visage rouge comme une pivoine de sa Kage, elle eut du mal à réfréner son sourire. Elle lui lança joyeusement :

-Salut Akura, qu'est-ce qui t'amène? Entre, entre !, ajouta-t-elle en posant le livre qui la gênait dans un coin du couloir. L'énorme ouvrage paraissait aussi gros qu'elle.

Elle conduisit sa Kage jusqu'au salon.

Akura se laissa tomber sur une chaise du salon. Elle se demandait franchement comment Akiyo pouvait être d'aussi bonne humeur à une heure aussi tardive... mais elle n'était pas là pour parler de ça. Elle dit d'un air presque gênée:

-En fait... tu me demandes pourquoi je suis venue... ben... parce qu'il faut que je te parle...

Sa froide assurance lui manquait... là, elle n'était pas en train de se battre. Non, là elle était en face d'une amie... et elle ne savait pas du tout comment se comporter, ayant vécu tout le temps seule... ou presque...

-Avant toute chose, j'aimerais que tu me fasses une promesse...

Akiyo avait suivi Akura au salon, en essayant de ne pas se prendre les pieds dans le grimoire qui traînait. Par miracle, elle y réussit, et c'est l'air embarassé et des mèches de cheveux lui battant les joues qu'elle rejoignit sa Kage, avec une furieuse gêne. La pièce était chaude et agréable, dans des tons blancs ou pastel.

Akiyo vit Akura se laisser tomber sur une chaise. Elle lui aurait pourtant bien proposé un fauteuil, ou le canapé, mais il semblait, comme par un fait exprès, que sa Kage avait pris le siège le plus inconfortable. Elle s'assit en face d'elle, et se peletonna dans les coussins épais.

-En fait... tu me demandes pourquoi je suis venue... ben... parce qu'il faut que je te parle...

La surprise remplaça alors la gêne sur le visage d'Akiyo. Akura avait soudain l'air si fragile... Elle n'osa pas troubler le silence, pensant qu'il lui serait ainsi plus facile de livrer une confession qui devait lui peser sur le coeur.

-Avant toute chose, j'aimerais que tu me fasses une promesse...

Akura pouvait lui faire confiance. Voilà au moins une chose dont elle était sûre. Une certitude parmi cet océan de doutes dans lequel elle se noyait.

-Tout ce que tu veux..., dit enfin Akiyo.

Un silence s'installa dans la pièce. Akura vit Akiyo tenter de masquer sa surprise... puis finit par dire:

-Tout ce que tu veux...

D'un coup, Akura se senti envahie par une tristesse insondable. Telle une mélodie emplie de tristesse qu'on écoute même si ça nous rend malade, la voix de Kara se réveillait en elle, provoquant une sombre sensation... à quoi bon goûter le fruit défendu d'une liberté réelle... si c'était pour le perdre aussitôt? Akura ravala sa salive puis commença à parler:

-Akiyo... je sais que ça va te paraître étrange, et tu vas sans doutes refuser, mais je te prie d'accepter ma requête... c'est très important pour moi, et même si tu ne me comprends pas, je te demande de l'accepter... vraiment, je te le demande de tout coeur...

Akura ne comprenait pas pourquoi elle tournait autour du pot comme ça. Normalement, ce n'était pas dans ses habitudes...

-Alors, s'il te plaît... promets-moi de ne jamais chercher à me venir en aide, même après ce que je vais te dire...

Elle ne pouvait pas continuer à parler si Akiyo ne la lui promettait pas. C'était aussi ce que Kara susurrait au fond de son âme...

-Akiyo... je sais que ça va te paraître étrange, et tu vas sans doutes refuser, mais je te prie d'accepter ma requête... c'est très important pour moi, et même si tu ne me comprends pas, je te demande de l'accepter... vraiment, je te le demande de tout coeur... Alors, s'il te plaît... promets-moi de ne jamais chercher à me venir en aide, même après ce que je vais te dire...

-Comment?! , s'exclama Akiyo.

Si sa Kage lui demandait cela, c'est qu'il devait réellement y avoir un problème... Elle connaissait trop bien sa fierté. Mais qu'est-ce qui pouvait la préoccuper au point de faire naître cet air sombre sur son visage? Avec un pessimisme qu'elle n'aurait pas souhaité, Akiyo envisagea immédiatement le pire. Un visage s'imposa à son esprit. Un visage cruel et froid, aux yeux jaunâtres de reptile... Un visage qu'elle ne connaissait
que trop bien...

Si le pressentiment de la jeune shinobi se révelait exact, alors Akura, et peut-être tout le village, courait un grand danger. Elle-même ne serait pas épargnée...

Mais... dans la même situation, elle n'aurait voulu d'aucun secours. Même en étant à l'article de la mort, elle aurait préféré n'importe quoi plutôt que d'accepter l'aide de quiconque. Elle se serait battue jusqu'à la fin.

Elle eut un franc sourire.
-Tu me connais bien mal...

Elle continua, à l'adresse d'Akura.
-Tu peux te confier en paix, tu sais. Je ne tenterai rien pour t'aider, si ce n'est pas ce que tu souhaites. En revanche... Je peux te proposer autre chose.

Elle laissa passer un instant de silence avant de s'expliquer.
-Un refuge... A ton visage, je vois que tu n'es sûrement pas venue pour me parler chiffons. Tu auras à combattre. Tu auras à lutter, et préparer une bataille n'est jamais facile... Je ne le sais que trop bien. Alors, si tu as besoin d'un endroit où te reposer, ou bien d'un peu de réconfort... ma maison te sera toujours ouverte !

Akura soupira de soulagement: elle n'avait jamais su réellement faire confiance à quelqu'un, mais Akiyo semblait lui accorder la sienne. Elle eut un haut-le-coeur en pensant à... son père...

Non. Elle devait se calmer... respirer. In, out, in, out. Inspiration, expiration, inspiration, expiration. Voilà, son coeur s'était calmé. D'une voix qu'elle aurait voulu moins faible, elle commença à parler. Peu à peu, son ton devenait monotone...

-J'ai été stupide. J'ai cru qu'en bâtissant un nouveau village, caché et loin de tout, entouré par quatre montagnes et difficilement accessible, je pouvais échapper à mon père... mais non. J'ai reçu plusieurs lettres de menaces de sa part. Il me recherche, il veut me récupérer. J'ai été tellement naïve que je ne l'ai pas vu venir. Je ne sais pas ses intentions, mais j'imagine qu'il essayera de m'enlever. Surtout ne me porte pas secours... c'est une occasion pour moi de régler une affaire de famille...

Son regard se fit cruel.

-J'imagine que tu vois de qui je parle...

"Je le savais."

C'était une certitude, qui s'était imposée sereinement à son esprit. Sereine, elle-même ne l'était plus. Les coins de ses lèvres se crispèrent. Imperceptiblement.

"Ne m'aide pas". Voilà ce qu'Akura lui avait dit. Et maintenant, elle allait se retrouver seule face à Orochimaru. Elle regarda une nouvelle fois le visage hanté, brisé, qui lui faisait face. Elle savait que sa Kage ne manquait pas de volonté, et que, de tous temps, elle avait puisé en elle la force qui lui permettait de triompher des obstacles. Cette fois encore, elle réussirait, Akiyo en était sûre. Confiance aveugle? Peut-être. Pour elle, sa Kage méritait cette confiance.

Mais...
Il y avait autre chose.
Et cette autre chose ne cessait de grandir dans son coeur. Akiyo retrouvait, avec une horrible sensation d'impuissance, la vieille haine.

Elle voulait se retrouver face à face avec cet homme, celui qui avait réduit sa vie et ses espérances en poussière. En ce moment, elle ne pouvait rien demander d'autre. Oh ! Comme elle désirait être celle qui planterait dans sa gorge la lame fatale, comme elle désirait mettre, de ses propres mains, fin à sa vie infâme... Il lui semblait qu'elle n'avait vécu que dans l'espoir de voir ce moment arriver un jour.

Elle sentait émaner d'elle une formidable pulsion meurtrière, qui sembler se dcondenser autour d'elle, formant une aura malfaisante. Elle chercha en vain le Chakra de Hachibi, mais rien n'avait changé. Ces sentiments inhumains et désincarnés, c'était son oeuvre, et non celle du Serpent. Et le monde était étrangement normal. Elle-même était restée la même qu'il y a quelques minutes, avant qu'Akura ne lui parle de cet homme. Tout était pareil, hormis son regard qui avait pris un froid de glace.

Sa peau était brûlante. Elle cacha à sa Kage son poing serré, en le noyant dans les plis de sa manche. Elle ne pouvait pas lutter contre son désir de vengeance. Mais elle avaitit promis. Elle laisserait Akura libre de ses actes.

Dans un effort monumental pour retrouver son calme, elle répondit gravement :
-Je le vois parfaitement.

Akura vit la rage d'Akiyo changer imperceptiblement ses traits. Elle ne savait pas vraiment ce qu'Orochimaru lui avait fait, mais elle savait que son bras droit et amie avait souffert par sa faute. Mais elle aussi avait souffert... c'était à elle de le tuer. Même si Akiyo le voulait, elle ne le laisserait jamais tuer l'être qui avait réduit son innocence en fumée...
Elle éprouva le besoin de partir. C'était une erreur de s'être confiée à Akiyo, lui chuchotait Kara... Akura ne pouvait pas l'ignorer, ainsi elle se releva brusquement, en murmurant:

-Je suis désolée, mais j'ai des choses à faire...

Elle avait honte de cette lâcheté, mais elle ne pouvait plus rester une seconde de plus ici...

Akiyo salua sa Kage, et se servit, sans convinction, une tasse de thé à la cerise. Le liquide clair et fumant lui brûla les lèvres. Au loin, la silhouette d'Akura s'éloignait dans la nuit. Elle la laisserait agir à son gré... car elle le méritait. Mais, malgré cela, Akura lui avait parue déçue.

Pourquoi avait-elle l'impression d'avoir commis une erreur?

Elle se renfonça dans un fauteuil et ramena ses genoux sous elle. Elle n'avait fait voir à Akura aucun des sentiments qui l'habitaient, mais il lui semblait que son amie les avaient devinés. Elle n'avait pas su fermer son coeur, et la douleur vengeresse qui l'habitait y avaient ouvert, comme une arme chauffée au rouge, une brèche énorme.

Pourquoi tout cela? Elle avait eu l'impression de changer, mais voilà qu'au seul nom d'Orochimaru lui était revenu tout ce contre quoi elle luttait désespérément depuis cette nuit maudite... Ah ! cette horrible sensation, celle de n'être, malgré les illusions dont elle se berçait, qu'une machine à tuer! Elle était horrible, et pourtant, faisait partie d'elle-même. Elle était inscrite dans ses veines, coulait au même rythme que son sang, et peut-être même était-ce elle qui faisait battre son coeur!

Akiyo fut prise d'un long frisson. Ce n'était pas grave, après tout. Akura ferait ce qu'elle voudrait. Elle n'avait qu'à l'oublier. Mais elle ne savait que trop que certaines rancoeurs sont éternelles.

Là-bas, dans le jardin, un froissement se fit entendre. Un pauvre animal, sans doute, venait de se faire happer par un autre plus gros que lui. A mesure que la lumière baissaient, une tristesse vague envahissait la jeune shinobi, prenant le pas sur sa haine. Et elle restait là, indécise et désemparée, sans savoir que faire...

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