Entraînement no 14: La Pièce de La Sombre Passion
Hommage à Nightwish... et à Tuomas Holopainen
Quand elle se réveilla, Akura fut prise d'un mal de tête si violent qu'elle hurla. Elle avait l'impression qu'on lui planta des pics de glace dans l'esprit. Et elle savait pourquoi elle avait mal... qui, ou plutôt ce qui en était la cause.
Kara. C'était elle qui avait profité de son sommeil pour l'affaiblir et maintenant elle tentait de reprendre le dessus... Akura se prit la tête à deux mains en grinçant des dents. La douleur était insupportable, intolérable pour elle et son corps. Elle avait arrêté de hurler en entendant la voix de Kara.
"Tu croyais que je ne m'étais pas délibérément laissé battre?? Rappelle-toi que vous n'êtes que des humains... de stupides humains... comme toi, Akura... quoique non, en fait tu n'es pas humaine... au moins, console-toi, car c'est loin d'être une tare..."
-Je... ne... te... laisserai... pas... m'anéantir... encore!!
La colère glacée de Kara l'effrayait, mais elle tentait de son mieux de ne pas le montrer. Elle sortit de son étui le sabre que Akiyo lui avait offert... elle allait en avoir besoin... si Kara reprenait le contrôle...
"Ton esprit est trop faible, comme toujours... je vais te montrer ce que c'est que la véritable souffrance..."
Cette fois-ci, la douleur transperça le corps d'Akura, plus vive encore qu'auparavant. Cette dernière tremblait de tous ses membres, elle était en nage. A un instant, la douleur fut si vive qu'elle tenta le tout pour le tout, risquant d'être complètement submergée par le mal. Elle tenta de reprendre possession de ses membres, Kara augmenta encore plus la douleur. C'était une véritable torture. Akura s'agrippa alors à la poigne de son arme, poussant un ultime cri:
-Sauve-moi!!
Dieu sait à qui elle s'adressa alors. Tout devint noir autour d'elle, la douleur avait disparu. Akura laissa ses yeux se fermer... était-ce ça, la mort?
Ses yeux se rouvrirent sur une pièce sombre. La seule lumière provenait d'une meurtrière, placée au bout de la pièce. La lune éclaira un instant la scène, et Akura vit un homme, assis sur une chaise. A coté de lui, une coupe de vin rouge, devant lui posées sur une table gisaient une feuille griffonnée et une plume trempée dans une encre écarlate. L'homme tremblait, sa voix empreinte de fièvre n'était qu'un murmure. Il avait de longs cheveux noirs qui lui tombaient devant les yeux, ainsi Akura ne pouvait voir son visage. L'homme saisit brutalement la plume en murmurant:
-Oui, c'est ça... je dois la retrouver...
Akura ne bougea pas, de peur que l'homme s'aperçoive de sa présence. Ce dernier ne semblait voir autre chose que sa feuille, son vin et sa plume. Soudain il griffonna une phrase, les rayons de lune se firent plus forts.
-Oui... c'est parfait...
Il retrempa fiévreusement sa plume dans l'encre rouge, et en écrivit une autre. Sa respiration se fit encore plus haletante tandis que les rayons de lune faiblirent.
-Non...
Il se prit la tête entre ses mains.
-Ce n'est pas possible...
Il réécrivit.
-Ce... non... NON... ce n'est plus...
Il se leva brusquement, renversant l'encre sur la feuille, posant ses deux mains à plat sur la feuille. C'est là qu'Akura remarqua le pendule placé au sol, à coté d'elle. Il n'y avait plus de sable à l'intérieur...
L'homme poussa un râle.
-Rââââh... POURQUOI??
Il tendit ses mains vers la meurtrière, d'où venait la lumière.
-POURQUOI??
Akura, effrayée, se terra encore plus dans son coin.
-Christ... Pourquoi m'as-tu abandonné?? Maintenant que je ne l'ai plus, c'est à toi de m'aider!!! Ramène-moi à la maison, Christ!! TU AS ENTENDU?? RAMENE-MOI CHEZ MOI!!
Puis il tomba à genoux, tel un adorateur fou. Akura se leva, et mue par une étrange curiosité, regarda la feuille. Elle passa son doigt dans l'encre et le lécha. C'était du sang, et pas n'importe lequel...
Elle scruta l'écriture irrégulière, les caractères gothiques.
"One last perfect verse
Is still same old song
Oh Christ how I hate what I have become..."
Le reste avait été noyé sous le sang. Akura posa sa main sur la table, une nausée sourde la prit soudain. L'homme se retourna, ses grands yeux noirs se posèrent sur Akura.
-Qui... qui êtes-vous?? Êtes-vous la Muse??
Akura fit non de la tête. Elle finit par murmurer, comme si en ces lieux parler haut et fort n'existait pas:
-Non... je ne suis pas une Muse. Je ne suis que moi... Akura.
L'homme sembla déçu.
-Ah... Akura qui?
-Je n'ai pas de nom de famille. Mon nom est Akura... enfin, je crois...
-Moi non plus je n'ai pas de nom de famille... je n'ai plus de nom... moi, je ne suis plus que néant...
Akura recula quand l'homme s'avança. La table de bois sombre les séparait. L'étrange écrivain continuait de parler, ses yeux exorbités fixant tantôt la feuille, tantôt Akura.
-Je ne suis plus rien... sans elle... elle m'a quittée... pourtant j'ai cru qu'elle reviendrait... ma Muse, mon amour... elle est partie avec mon inspiration... je suis un écrivain veuf, et même le Christ m'a abandonné...
Akura sentit une vague de mélancolie l'envahir, remplacer sa nausée. Elle murmura à son tour;
-Moi aussi j'ai été abandonnée par lui...
Soudain, ses larmes jaillirent.
-... et je ne sais pas où je suis... je sais juste que des personnes que j'aime sont en danger. Que moi également... et qu'il me faut les sauver, quitte à périr!!
L'homme pencha sa tête vers le coté, ses yeux semblaient voir au-delà d'Akura et du mur. Au-delà du ciel, au-delà du monde.
-Les sauver... et te sauver également...
Il se laissa tomber dans un fauteuil qu'Akura n'avait pas vu.
-C'est étrange... je sens ta détresse, je sens ton amertume... mais je ne sens pas de réel instinct de survie en toi...
Akura haussa les épaules, parlant légèrement plus fort, l'air blasé;
-Oh, moi... je l'ai donné aux chiens dès que je n'en avais plus besoin... j'ai plus besoin de sauver mes proches que de me sauver. Et je ne sais pas m'enfuir. Même pour survivre.
A nouveau, les cheveux de l'homme sans nom encadrèrent son visage. Il semblait s'être calmé, sans pour autant être serein. Quand il parla, ce fut clairement, et sa voix résonna entre les parois de la pièce.
-Donc tu es poursuivie par un danger... en fait, nous sommes tous poursuivi par Elle... la Mort... délivrante et cruelle... belle et inattendue... inacceptable et malsaine... Elle a tant de visages. Et me menace, moi aussi. Il m'a semblé qu'avant, je pourrais terminer mon oeuvre... avant qu'Elle ne m'achève...
Sur ce, il fut pris d'une violente quinte de toux. Akura se précipita vers lui, sans réfléchir. Il l'arrêta d'un geste de la main.
-Tu n'as... aucune raison...
Il toussa à nouveau.
-... de t'inquiéter... pour moi n'est pas encore venu le moment...
Il toussa encore un peu puis s'arrêta. Akura finit par s'asseoir, dos au mur. Elle rompit le silence;
-Où sommes-nous?
-Dans mon enfer, répondit l'homme... La Pièce de La Sombre Passion. Je ne te l'ai pas dit, mais avant j'avais un nom...
-Oui...?
-Je m'appelais... Tuomas.
Etrange nom. Akura hocha la tête, puis se tut. Celui qui avait été Tuomas également. Le silence régna sur la pièce. De nuages sombres couvrirent la lune et la pièce se retrouva plongée dans l'obscurité. Et ces au coeur de ces ténèbres presque rassurant qu'Akura se mit à parler.
-J'ai été élevée dans l'innocence un certain temps. Puis un homme qui comptait beaucoup pour moi m'a trahi de la plus horrible manière qui soit, faisant s'écrouler mon monde... et probablement mon innocence. Mais je n'avais pas encore vécu le pire. J'avais conscience que quelque chose se tapissait au fond de moi mais je ne savais pas ce que c'était vraiment. C'était une amie pour moi, un réconfort... jusqu'à ce qu'elle m'ait manipulée, qu'elle m'ait montrée que j'avais été trop naïve. J'ai alors commis des crimes trop atroces pour être prononcé, même ici. J'étais devenue un ange désillusionné. Plus les années passait, plus la souffrance se fit ressentir dans mon corps et mon âme. J'avais appris à me méfier et les multiples trahisons qui m'avait blessé me rendirent totalement incapable d'offrir ma confiance. Dans cette existence de souffrance, je me battais pour l'honneur de quelqu'un qui devint bientôt ma seule raison de vivre. J'avais revu l'homme qui m'avait blessé, mais peu de fois. Puis de nouvelles catastrophes m'ont obligées à me séparer de lui. Je dû partir loin, et une fois de plus je me suis battue. Je me suis battue pour laisser encore une trace avant que la Mort ne puisse m'emporter... mon oeuvre, mon cher village a été ruiné, mes amis ont été blessé par ce danger qui me poursuit encore. Un danger qui me fusionne avec lui et me fait perdre tous mes repères... tout mon amour... et maintenant mes seuls amis ont brisé une promesse qui me tenait à coeur... je ne peux m'empêcher de me sentir trahie...
L'homme avait écouté sans broncher. Soudain, le mal de tête reprit Akura, plus virulent, plus meurtrier.
-Argh...
Le chakra bleu entoura Akura...
-Qu'est-ce que...
L'ancien Tuomas s'était levé. Akura était à genoux, ses mains tendues derrière elle, sa tête levée, son corps tendu comme un arc. Elle parlait avec difficulté, mais trouvait encore la force de parler.
-Je ne la sentais pas avant... elle m'a retrouvée...
L'écrivain ne broncha pas, puis finit par murmurer:
-Ainsi ici n'est pas que mon enfer...
Les visions assaillaient Akura, qui tentait de faire le vide dans sa tête. Se confier à "Tuomas" l'avait détendue et malgré le chakra maléfique qui éclairait la pièce, elle savait que quelque part Kara ne pourrait réellement l'atteindre ici. Car dans cet endroti, elle se sentait en paix. Peu à peu, la lumière disparut. L'écrivain veuf eut un faible sourire, un sourire de mort. Akura aussi.
-Ici, je me sens moi. Peut-être parce que je ne suis que moi, pas moi, mon âme et mon mal...
-C'est ce que je ressens, dit le poète. Sauf que pour moi, ce lieu symbolise aussi la souffrance que je vis... je suis attaché aux chaînes de l'enfer... jusqu'à ce qu'elle me revienne...
Soudain, Akura aperçu en même temps que la lune revenait une statue, dans un coin de la pièce. C'était une jeune femme aux longs cheveux noirs, légèrement ondules, et aux yeux clairs mais entourés de noir. Son expression était mi-mélancolique, mi-heureuse. Akura eut l'impression que la Pièce de la Sombre Passion se révélait au fur et à mesure qu'elle y vivait. Elle resta un instant à contempler la statue. Celui qui se nommait Tuomas la regarda également. Puis la statue se mouva, comme s'éveillant d'un sommeil sempiternel. Akura ne dit plus rien, et soupira. Ici, elle se sentait mieux. Mieux que dans le monde où ses malheurs existaient. Où elle était incapable d'aimer. En repensant à Kara qui l'attendait, elle se mit à pleurer à gros sanglots. La femme l'approcha doucement, sans prêter attention à l'ex-Tuomas.
-Akura...
-Comment sais-tu mon nom?
Akura ne se soucia pas de savoir si elle fit bien de tutoyer la femme.
-Il n'y a pas besoin de chercher des explications à tout... mais je peux peut-être t'en donner une... ici tu es à la maison. Tu peux y revenir dès que tu le désires, pour y retrouver le calme qui te manque. Nous sommes dans un endroit difficilement atteignable avec le corps, mais pour toi, et toi seule, tu pourras y accéder... ma petite, tu as de tels océans en toi...
Puis elle retourna à sa place, redevenant marbre glacé. Akura se leva, tremblante, et se dirigea vers la feuille de papier de Tuomas. Au bas, elle écrivit trois mots. Trois mots que enfant elle avait tracé avec son sang sur un mur. Trois mots qu'elle sentait vibrer au coeur même de son âme. Elle trempa la plume dans le sang du poète puis s'allongea sur le sol froid. Intrigué, l'écrivain lut les mots et son visage changea d'expression. La lune éclaira pleinement la salle, et Tuomas qui souleva Akura se terre en la serrant dans ses bras. Cette dernière était devenue faible, donc ne dit plus rien. Puis elle disparut, s'endormant quand l'homme la reposa.
Quand elle reprit conscience, elle était à Ea, dans son bureau. Elle se souvint des trois mots, puis regarda le paysage à la fenêtre.
...
"Take me home"